DĂ©couvrezun texte lu et Ă©crit par Roland Barthes : « Jâaime, je nâaime pas » et crĂ©ez un portrait Ă la maniĂšre de Barthes. Quâallez-vous trouverDans LâEntretien infini, au moment dâĂ©voquer les expĂ©rimentations des surrĂ©alistes, ce nâest quâĂ regret, et faute de mieux, que Blanchot emploie le terme de communication, dont il dĂ©nonce immĂ©diatement le caractĂšre douteux »[1]. Dâune telle rĂ©ticence, on trouverait dâinfinis exemples chez les thĂ©oriciens de la modernitĂ© littĂ©raire, dont on sait quâils ont vu en Flaubert et MallarmĂ© les fondateurs dâun rĂ©gime autonomisĂ© de la littĂ©rature rompant avec lâimaginaire rhĂ©torique des Belles-Lettres, la littĂ©rature se trouvait soustraite aux obligations mondaines de la langue parlĂ©e, dont elle cessait alors de fournir lâĂ©talon exemplaire. Depuis Le DegrĂ© zĂ©ro de lâĂ©criture, oĂč il asserte que lâĂ©criture nâest nullement un instrument de communication »[2], Barthes a trĂšs largement thĂ©matisĂ© cette sĂ©paration, sous la forme dâantithĂšses ayant pu valoir comme les mots dâordre mĂȘmes de la modernitĂ© française des annĂ©es 1960-1970 Ă©criture transitive / intransitive, Ă©crivant / Ă©crivain, lisible / scriptible, texte de plaisir / texte de jouissance. Si une telle conception de lâĂ©criture comme contre-communication » parcourt lâĆuvre de Barthes, du DegrĂ© zĂ©ro oĂč apparaĂźt cette expression[3], en passant par S/Z oĂč elle revient[4], et jusquâaux Fragments dâun discours amoureux qui lui font Ă©cho, elle mĂ©rite tout de mĂȘme dâĂȘtre tempĂ©rĂ©e moins par dâautres postulations de lâauteur qui sembleraient la contredire que par les diffĂ©rentes modalisations et variations dont elle a pu faire lâobjet. Ainsi, plutĂŽt que dâĂȘtre toujours envisagĂ© avec euphorie, ce brouillage de la communication a souvent Ă©tĂ© dĂ©crit comme un problĂšme, signalant une position aliĂ©nĂ©e, sinon tragique, du critique Ă©crivain, et suscitant alors la dĂ©ploration on Ă©crit pour ĂȘtre aimĂ©, on est lu sans pouvoir lâĂȘtre »[5], savoir quâon nâĂ©crit pas pour lâautre, savoir que ces choses que je vais Ă©crire ne me feront jamais aimer de qui jâaime »[6], on Ă©choue toujours Ă parler de ce quâon aime » [7] respectivement datĂ©es de 1963, 1977 et 1980, ces dĂ©clarations ne se contentent pas dâĂ©voquer la dĂ©ception que lâĂ©criture semble opposer structurellement Ă la communication des affects, elles en disent aussi le regret, elles signalent Ă son endroit une certaine obstination du scripteur. Or, loin de sâen ĂȘtre tenu Ă lâĂ©lĂ©gie, Barthes me semble avoir tĂąchĂ© de convertir cette obstination en programme dâĂ©criture, programme quâon pourrait qualifier de rhĂ©torique, suivant la dĂ©finition emblĂ©matique quâen donne la prĂ©face aux Essais critiques la rhĂ©torique est la dimension amoureuse de lâĂ©criture »[8]. Câest Ă interroger le sens, les enjeux et les rĂ©percussions de cette Ă©trange formule que je voudrais mâemployer ici, dans le souhait de verser cette Ă©tude au dossier des rapports de Barthes Ă la discipline ancienne. Si Barthes a jouĂ© un rĂŽle majeur dans les diffĂ©rents retours quâa connus la rhĂ©torique au XXe siĂšcle, câest notamment pour en avoir synthĂ©tisĂ© lâhistoire et le systĂšme au cours dâun sĂ©minaire de 1964-1965 Ă lâEPHE, dont la retranscription en 1970 dans la revue Communications a fait date ; câest aussi parce quâil a mobilisĂ© certaines catĂ©gories de la discipline dans une perspective sĂ©miologique, puis post-structurale. Pour ma part, câest Ă la rhĂ©torique du Barthes Ă©crivain que je voudrais mâintĂ©resser ici, en suivant le fil dâune rĂ©flexion qui trouve dans la prĂ©face des Essais critiques, sinon une origine, du moins une formulation remarquable. Conçue comme une technique que lâĂ©crivain et lâhomme ordinaire ont en partage, la rhĂ©torique y prend lâaspect dâune dĂ©libĂ©ration formelle, largement aporĂ©tique portant sur les voies indirectes de la communication affective, ayant Ă faire face Ă lâinterdit thĂ©orique portĂ© sur le lyrisme, cette dĂ©libĂ©ration donnera lieu Ă une sĂ©rie de dispositifs prĂ©caires, dont un des plus emblĂ©matiques me semble reprĂ©sentĂ© par les usages de la notion de topique, que jâĂ©voquerai pour finir. Ecrire, verbe indirect littĂ©raritĂ©, rhĂ©torique, parole quotidienne La prĂ©face aux Essais critiques de dĂ©cembre 1963 est un texte dans lequel Barthes rĂ©flĂ©chit conjointement aux statuts du discours littĂ©raire et du discours critique, pour en affirmer lâidentitĂ© profonde quoique masquĂ©e, inavouable, car institutionnellement non reconnue. Renonçant Ă rendre compte de lâĂ©volution de son langage critique au long des dix annĂ©es couvertes par le recueil, lâayant conduit du brechtisme Ă la sĂ©miologie, Barthes se justifie dâune pratique silencieuse et indirecte de lâĂ©criture. Au principe de celle-ci, il postule une double infidĂ©litĂ©[9] de lâĂ©crivain, et dĂ©nonce la rĂ©ception mondaine de lâĆuvre comme le lieu dâune irrĂ©mĂ©diable mĂ©prise dâune part, lâexpĂ©rimentateur public » quâest le scripteur loge toute sa responsabilitĂ© dans le travail de la forme, tandis que ses partis pris, engagements, valeurs, bref, tout ce que le monde considĂšre comme dĂ©finitif, ne relĂšvent Ă ses yeux que de variations secondaires et provisoires. Dâautre part, lâĂ©criture Ă©tant une tĂąche qui porte en elle son propre bonheur »[10], le livre achevĂ© vaut moins que la pratique dont il est le rĂ©sidu inessentiel, voire inauthentique. Alors mĂȘme quâil date de lâĂ©poque pionniĂšre de la montĂ©e de la sĂ©miologie »[11], le vocabulaire du prĂ©facier rappelle bien moins la langue de Saussure ou de Hjelmslev que celle de Blanchot[12] ou encore de Merleau-Ponty[13]. Mais alors que ces propos pouvaient passer pour valider lâhypothĂšse dâune contre voire dâune anti-communication littĂ©raire, Barthes change brusquement de perspective et introduit, sans transition aucune, une scĂšne de communication ordinaire Ă©noncĂ©e en premiĂšre personne Un ami vient de perdre quelquâun quâil aime et je veux lui dire ma compassion. Je me mets alors Ă lui Ă©crire spontanĂ©ment une lettre. Cependant les mots que je trouve ne me satisfont pas ce sont des phrases » je fais des phrases » avec le plus aimant de moi-mĂȘme ; je me dis alors que le message que je veux faire parvenir Ă cet ami, et qui est ma compassion mĂȘme, pourrait en somme se rĂ©duire Ă un simple mot CondolĂ©ances. Cependant, la fin mĂȘme de la communication sây oppose, car ce serait lĂ un message froid, et par consĂ©quent inversĂ©, puisque ce que je veux communiquer câest la chaleur mĂȘme de ma compassion. Jâen conclus que pour redresser mon message câest-Ă -dire en somme pour quâil soit exact, il faut non seulement que je le varie, mais encore que cette variation soit originale et comme inventĂ©e[14]. En dĂ©signant aprĂšs-coup cette lettre Ă lâami endeuillĂ© comme une allĂ©gorie de la littĂ©rature, comme lâimage mĂȘme de la littĂ©raturitĂ© »[15] thĂ©orisĂ©e par les formalistes russes, Barthes fait plus quâillustrer son propos il met en lumiĂšre une continuitĂ© profonde entre les domaines de la littĂ©rature et de la vie commune, dont le dĂ©but de la prĂ©face pouvait laisser penser quâils Ă©taient incommensurables. Comme ma lettre de condolĂ©ances, poursuit Barthes, tout Ă©crit ne devient Ćuvre que lorsquâil peut varier, dans certaines conditions, un message premier qui est peut-ĂȘtre bien, lui aussi jâaime, je souffre, je compatis[16]. Ainsi entendue comme une technique de lâoriginalitĂ© et de lâexactitude, la littĂ©raritĂ© dĂ©signe moins le propre ou lâexclusive de la littĂ©rature, et moins encore le critĂšre de son autonomie, quâun ensemble de procĂ©dĂ©s, de protocoles Ă lâĆuvre dans la communication ordinaire, trouvant dans la littĂ©rature une forme dâĂ©pure particuliĂšre. Lâindirect demeure bien ici ce travail obstinĂ© de la forme, il consiste bien, comme le dit Barthes, Ă inexprimer lâexprimable »[17], ou comme le dit Merleau-Ponty dans Signes, Ă travaille[r] Ă lâenvers »[18] Ă partir des sens dĂ©jĂ donnĂ©s, des lieux communs du discours. Simplement, au lieu de sanctionner une sortie de la communication, câest de la prise au sĂ©rieux des enjeux et des problĂšmes de celle-ci que lâindirect tire dĂ©sormais sa justification et son programme. Ainsi lâhomme privĂ© se fait-il Ă©crivain chaque fois quâil travaille, redresse, singularise son message pour parvenir Ă se faire entendre, tandis que, rĂ©ciproquement, lâĂ©crivain trouve dans lâami une figure tutĂ©laire, un personnage conceptuel[19] LâĂ©crivain lâami est donc un homme pour qui parler, câest immĂ©diatement Ă©couter sa propre parole ; ainsi se constitue une parole reçue bien quâelle soit parole créée, qui est la parole mĂȘme de la littĂ©rature[20]. Ăcrire, dĂšs lors, ce serait en quelque sorte sâĂ©couter parler, non pas comme fait le bavard narcissique, mais plutĂŽt par souci dâanticiper la rĂ©ception du message et de se projeter, pour ce faire, Ă la place de son destinataire[21]. Paradoxalement, cette parole qui prĂ©mĂ©dite son adresse ne constitue pas le vĂ©ritable âdonâ de lâĂ©crivain », sans embarquer du mĂȘme coup lâĂ©criture dans une dĂ©marche rĂ©flexive, repliĂ©e sur elle-mĂȘme, indirecte jusquâĂ pouvoir se faire intransitive. LâinfidĂ©litĂ© de lâĂ©crivain Ă©voquĂ©e au dĂ©but de la prĂ©face mĂ©rite Ă ce titre dâĂȘtre reconsidĂ©rĂ©e si ce dernier est tout absorbĂ© dans lâĂ©laboration de la forme, au point de ne pas vouloir rĂ©pondre des propositions de son texte une fois celui-ci achevĂ©, câest que tout son effort de communication se situe lĂ , dans lâĂ©criture, en amont de la mise en circulation du livre Cette anticipation de la parole [est] le seul moment trĂšs fragile oĂč lâĂ©crivain comme lâami compatissant peut faire comprendre quâil regarde vers lâautre ; car aucun langage direct ne peut ensuite communiquer que lâon compatit, sauf Ă retomber dans les signes de la compassion seule la forme permet dâĂ©chapper Ă la dĂ©rision des sentiments, parce quâelle est la technique mĂȘme qui a pour fin de comprendre et de dominer le théùtre du langage[22]. DĂ©placement remarquable mais prĂ©parĂ© depuis lâĂ©pisode de la lettre, cette technique formelle de la communication affective, Ă laquelle Barthes avait dâabord donnĂ© le nom de littĂ©raritĂ©, prend alors celui de rhĂ©torique. En affirmant que la rhĂ©torique est la dimension amoureuse de lâĂ©criture », dont relĂšve toute communication, dĂšs lors quâelle veut faire entendre Ă lâautre que nous le reconnaissons »[23], lâauteur met ici Ă profit le caractĂšre transversal de la notion, propice Ă circuler entre les domaines de la communication ordinaire et de la littĂ©rature. Barthes semble Ă premiĂšre vue faire un emploi relativement classique de la rhĂ©torique celle-ci nâa plus pour fonction de persuader, mais elle prĂ©tend encore Ă©mouvoir, et conserve quelque chose de cet art de bien parler art esthĂ©tique et moral par quoi Quintilien la dĂ©finissait[24]. Surtout, elle reste impliquĂ©e dans une logique de lâinvention technique et de lâadresse, quand bien mĂȘme celle-ci est, on lâa vu, heurtĂ©e, objet de mĂ©prises. Par lĂ , Barthes est encore loin de la rhĂ©torique post-structurale de Paul De Man ou de Jacques Derrida ; ce nâest que plus tard, au dĂ©but des annĂ©es 1970, quâil reprendra avec eux lâaxiome nietzschĂ©en postulant la figuralitĂ© constitutive du langage et de la pensĂ©e. De mĂȘme, il nâest pas non plus question ici de lâusage sĂ©miologique de la rhĂ©torique que Barthes Ă©labore en ces mĂȘmes annĂ©es 1960 dans le cadre du CECMAS, puisant dans la discipline ancienne une nomenclature destinĂ©e Ă rendre compte des faits littĂ©raires ou Ă dĂ©crypter la communication de masse. Cette rhĂ©torique amoureuse des Essais critiques ne saurait nĂ©anmoins ĂȘtre le fait dâun Barthes antimoderne »[25] ceci, dâune part, parce que la rhĂ©torique est ici liĂ©e Ă des thĂšmes majeurs de la thĂ©orie littĂ©raire de lâĂ©poque lâindirect, lâintransitif, lâautotĂ©lique, quand bien mĂȘme ceux-ci se trouvent investis dans une problĂ©matique communicationnelle quâils semblaient exclure ; mais aussi parce que, dâautre part, elle sâentend dĂ©sormais comme une technique de lâoriginalitĂ©, comme un art de la parole singuliĂšre. Bien quâelle repose sur une intelligence des formes gĂ©nĂ©rales du langage et quâelle compose avec les normes instituĂ©es du discours, la rhĂ©torique nâest plus soluble dans les prĂ©ceptes universels des manuels câest dĂ©sormais dâune rhĂ©torique particuliĂšre, du particulier quâil sâagit, comparable en cela Ă cette rhĂ©torique par objet » ou par sujet que Francis Ponge a souvent appelĂ© de ses vĆux, en dialogue avec les travaux de Jean Paulhan[26]. Aussi, plus encore que de Blanchot ou de Merleau-Ponty, câest surtout du Ponge des ProĂȘmes quâil conviendrait de faire lâintertexte latent de cette prĂ©face[27]. Je pense bien sĂ»r au poĂšme RhĂ©torique », oĂč Ponge recommandait cette derniĂšre comme un art de rĂ©sister au paroles », de ne dire que ce que lâon veut dire » Somme toute, fonder une rhĂ©torique, ou plutĂŽt apprendre Ă chacun lâart de fonder sa propre rhĂ©torique, est une Ćuvre de salut public. Cela sauve les seules, les rares personnes quâil importe de sauver celles qui ont la conscience et le souci et le dĂ©goĂ»t des autres en eux-mĂȘmes[28]. Partant, si lâĂ©criture mĂ©rite encore dâĂȘtre envisagĂ©e, dans la prĂ©face aux Essais critiques, comme une contre-communication, ce nâest pas au sens dâune anti-communication, mais bien plutĂŽt de cette communication de luxe » quâĂ©voque Barthes dans son texte, luxe quâil prĂ©cise ĂȘtre vital, car dĂšs que la communication est affective câest la disposition profonde de la littĂ©rature, la banalitĂ© lui devient la plus lourde des menaces »[29]. Ătrangement, câest peut-ĂȘtre Ă force de vouloir se faire entendre que lâĂ©crivain pourra Ă lâoccasion devenir obscur, au point de voir sa parole sujette Ă mĂ©prises. Quoi quâil en soit des rĂ©ussites et des ratĂ©s de cette communication, on voit que la littĂ©rature faite rhĂ©torique est bien loin de retrouver ici la fonction dâexemplaritĂ© qui lui Ă©tait prĂȘtĂ©e sous le rĂ©gime des Belles-Lettres, sans pour autant assumer tout Ă fait la forme autonomisĂ©e que dĂ©crivent Gilles Philippe et Julien Piat dans leur histoire de la langue littĂ©raire[30] lâĂ©crivain nâincarne certes plus la norme haute de la langue commune, puisquâil cherche au contraire Ă y singulariser sa voix, mais il emblĂ©matise tout de mĂȘme un effort de rigueur et dâexactitude dans la communication affective, dont lâexigence se reconnaĂźt identique Ă celle des hommes dans leur vie ordinaire. Anti-lyrisme thĂ©orique et dĂ©libĂ©rations formellesLa rhĂ©torique amoureuse des Essais critiques est bien entendu loin dâĂ©puiser le rapport de Barthes Ă la discipline ancienne, et tout aussi loin de formaliser dĂ©finitivement les voies de la communication affective. Elle nâen formule pas moins un questionnement dont il me semble possible et utile de mettre en lumiĂšre certaines suites dans les textes de Barthes. Ă cet Ă©gard, la Lettre de Jilali »[31] que Barthes cite et commente dans son autoportrait de 1975 pourrait ĂȘtre lue comme un rappel discret et comme une rĂ©alisation aboutie de la lettre Ă lâami des Essais critiques. Parce quâelle Ă©nonce en mĂȘme temps la vĂ©ritĂ© politique du Maroc » et tout le dĂ©sir de Jilali », Barthes dit y trouver exactement le discours utopique que lâon peut souhaiter »[32]. Reste que cette rĂ©ussite mĂ©rite dâautant mieux son titre dâutopie quâelle fait figure dâexception au sein du Roland Barthes par Roland Barthes. La communication affective y bute en effet sur deux obstacles majeurs le premier tient Ă la division sociale des langages, qui sĂ©pare lâidiome des intellectuels de la langue populaire et empĂȘche ceux-ci de participer [âŠ] Ă la scĂšne communautaire »[33] ; le second provient quant Ă lui de lâinterdit thĂ©orique portĂ© sur le lyrisme et lâĂ©panchement romantique, qui rĂ©prime du point de vue de lâĂ©nonciateur lui-mĂȘme lâexpression affective. Barthes sâen explique dans deux fragments consĂ©cutifs Lâexclusion » et CĂ©line et Flora ». Le premier de ces textes rapporte un court Ă©pisode narratif, oĂč lâauteur Ă©voque le sentiment dâexclusion violemment ressenti au spectacle dâun mariage de la petite bourgeoisie, alors quâil visitait lâĂ©glise parisienne de Saint-Sulpice. Face Ă une cĂ©rĂ©monie qui lui renvoie en une seule bouffĂ©e tous les partages dont il est lâobjet [sociaux, religieux, politiques, sexuels] », Barthes se dĂ©clare victime dâun Ă©loignement supplĂ©mentaire celui de son langage ». [âŠ] il ne pouvait exprimer son trouble dans le code mĂȘme du trouble, câest-Ă -dire lâexprimer il se sentait plus quâexclu dĂ©tachĂ© toujours renvoyĂ© Ă la place du tĂ©moin, dont le discours ne peut ĂȘtre, on le sait, que soumis Ă des codes de dĂ©tachement ou narratif, ou explicatif, ou contestataire, ou ironique jamais lyrique, jamais homogĂšne au pathos en dehors duquel il doit chercher sa place[34]. Exemplifiant son propos par un recours Ă la troisiĂšme personne qui rappelle en lui ce personnage de roman » invoquĂ© dans lâĂ©pigraphe du livre tout ceci doit ĂȘtre considĂ©rĂ© comme dit par un personnage de roman », Barthes se met bien en scĂšne comme le tĂ©moin interdit de ses propres passions. Ă lire la longue phrase citĂ©e Ă lâinstant, qui a tout dâune pĂ©riode Ă cadence majeure, et dont la polysyndĂšte finale accentue lâemphase, on voit que cette position de tĂ©moin continue dâappeler une sorte de lyrisme, quâon pourrait dire au carrĂ© en effet, si le sujet dĂ©plore de ne pouvoir sâexprimer, ce nâest pas, selon le topos lyrique, que les mots manquent ou que lâĂ©motion soit trop puissante, câest que les concepts mĂȘmes dâexpression, de personne, de pathos sont thĂ©oriquement caducs. Lâanti-lyrisme en jeu est ainsi tout thĂ©orique dâabord parce quâil se dĂ©duit des thĂ©ories modernes du sujet et de lâĂ©criture que Barthes embrasse alors, mais encore parce quâil ne laisse pas, ce faisant, dâinsuffler au discours intellectuel un air dâĂ©lĂ©gie â lâimpossibilitĂ© thĂ©orique du lyrisme constituant alors lâobjet nouveau de la dĂ©ploration. Il ne serait pas juste, pour autant, de voir lĂ une maniĂšre de psychomachie faisant de la thĂ©orie un simple surmoi moderne rĂ©primant lâirrĂ©ductible poussĂ©e humorale du sujet. Dans les termes du textualisme, on sait bien que les affects ne sont nullement interdits, au contraire, pourvu quâils soient immanents Ă lâĂ©criture, et quâils [mettent] Ă vif lâinconsistance du sujet », son atopie LâĂ©criture est une jouissance sĂšche, ascĂ©tique, nullement effusive »[35]. Si psychomachie il y a, câest alors thĂ©orie moderne du moi dispersĂ© contre thĂ©orie endoxale de lâĂ©moi central, jouissance sĂšche contre Ă©panchement effusif, ou, pour le dire avec les mots des Fragments dâun discours amoureux imaginaire de lâĂ©criture contre imaginaire amoureux[36]. Reste quâil est frappant de voir Barthes dĂ©signer le dispositif Ă©nonciatif de son propre ouvrage, ses codes de dĂ©tachements », et jusquâĂ la jouissance de lâĂ©criture quâil promeut ailleurs, comme autant de sources dâ exclusion ». La dimension indirecte de lâĂ©criture thĂ©orisĂ©e dans les Essais critiques nâest plus revendiquĂ©e avec le mĂȘme enthousiasme quâalors ; tout se passe mĂȘme comme si elle Ă©tait devenue un carcan, une seconde nature. Plus encore lorsquâil sâagit dâamour, lâindirect menace de rendre inaudible Ă force de mĂ©diation et dâironie la communication affective quâil avait pourtant la charge dâassurer [âŠ] dans le cas dâune perversion amoureuse, cette sĂ©cheresse [de lâĂ©criture] devient dĂ©chirante je suis barrĂ©, je ne puis faire passer dans mon Ă©criture lâenchantement pure image dâune sĂ©duction comment parler de qui ? Ă qui lâon aime ? Comment faire rĂ©sonner lâaffect, sinon Ă travers des relais si compliquĂ©s, quâil en perdra toute publicitĂ©, et donc toute joie ?[37] Livrant ici une sorte de prospectus des Fragments dâun discours amoureux, cette interrogation reste pour lâheure en suspens ; elle donne mĂȘme lieu Ă un renchĂ©rissement dans lâindirect, Barthes comparant avec humour lâĂ©crivain amoureux aux tantes du narrateur proustien, CĂ©line et Flora, incapables, Ă force dâallusion, de faire entendre Ă Swann le compliment quâelles lui adressent. La communication Ă©choue, conclut Barthes, non par inintelligibilitĂ©, mais parce quâil sâopĂšre une vĂ©ritable schize entre lâĂ©moi du sujet â complimenteur ou amoureux â et la nullitĂ©, lâaphonie de son expression »[38]. Dans son ouvrage de 1977, Barthes reprend presque exactement ce propos, mais le reformule du point de vue de lâamoureux dont il met en scĂšne la parole. Lâ Ă©moi central » que lâautoportraitiste se refusait Ă prendre en charge devient prĂ©cisĂ©ment cela mĂȘme dont lâamoureux ne peut se dĂ©barrasser dans son expĂ©rience privĂ©e Depuis cent ans, la folie littĂ©raire est rĂ©putĂ©e consister en ceci Je est un autre » la folie est une expĂ©rience de dĂ©personnalisation. Pour moi, sujet amoureux, câest tout le contraire câest de devenir un sujet, de ne pouvoir mâempĂȘcher de lâĂȘtre, qui me rend fou. Je ne suis pas un autre câest ce que je constate avec effroi[39]. Dans ces conditions, lâamoureux ne peut accĂ©der Ă lâĂ©criture, dont la thĂ©orie et les exigences ne se sont pas notablement modifiĂ©es depuis Roland Barthes par Roland Barthes, bien quâelles soient ici comme observĂ©es de lâextĂ©rieur Mes envies dâexpression oscillent entre le haĂŻku trĂšs mat, rĂ©sumant une Ă©norme situation, et un grand charroi de banalitĂ©s. Je suis Ă la fois trop grand et trop faible pour lâĂ©criture je suis Ă cĂŽtĂ© dâelle, qui est toujours serrĂ©e, violente, indiffĂ©rente au moi enfantin qui la sollicite[40]. Comme en tĂ©moignent les essais de haĂŻku prĂ©cĂ©dant ces lignes, lâĂ©chec de la communication amoureuse dans lâordre de lâĂ©criture ne lâempĂȘche pas dây persister comme tendance, de sây essayer de ce point de vue, ce qui se donne Ă lire dans ces extraits de 1975 et de 1977 que je viens dâĂ©voquer, ce nâest peut-ĂȘtre rien dâautre que cette parole reçue, anticipant son adresse, travaillant sa forme, dont il Ă©tait dĂ©jĂ question dans la prĂ©face aux Essais critiques, parole oĂč Barthes plaçait justement le don fragile de lâĂ©crivain et de lâami. Ainsi, la rhĂ©torique amoureuse qui intervient ici ne se donne pas tant Ă voir comme le produit dâune technique, fĂ»t-elle particuliĂšre, du particulier ; elle se prĂ©sente plutĂŽt comme une mise en dĂ©bat des techniques dâĂ©criture, comme une dĂ©libĂ©ration portant sur la forme et sur lâadresse du discours affectif. Ce rĂ©investissement mĂ©ta-technique pour employer un mot pongien de lâancien genre politique de la rhĂ©torique nâest Ă©videmment pas isolĂ© chez Barthes. Câest on le sait une des voies Ă©lectives prises par son travail dans les derniĂšres annĂ©es de sa vie de la confĂ©rence de 1978 sur le modĂšle proustien aux derniers cours au CollĂšge de France dĂ©diĂ©s au haĂŻku et Ă la prĂ©paration du roman, en passant par les fragments de DĂ©libĂ©ration », publiĂ©s dans Tel quel en 1979, qui mettent Ă lâessai la pratique du journal intime, et jusquâĂ lâultime texte sur Stendhal. Chacune Ă sa maniĂšre, ces diffĂ©rentes dĂ©libĂ©rations formelles rĂ©flĂ©chissent toutes aux chemins indirects de la communication affective Ă©voquĂ©e dans les Essais critiques. Et si le roman fait alors office de fantasme recteur, câest que, comme lâindique Barthes Ă propos de Stendhal, il est prĂ©cisĂ©ment la forme propice Ă sublimer, Ă extravertir la passion sans la dĂ©grader entre les journaux de voyage qui disent lâamour de lâItalie, mais ne le communiquent pas »[41] et La Chartreuse de Parme dont les pages parviennent Ă embraser » le lecteur et rĂ©alisent la transcendance de lâĂ©gotisme », Barthes situe lâavĂšnement dâune Ă©criture enfin capable dâassumer et de communiquer le pathos. Le critique Ă©crivain peut alors dĂ©mentir Ă la fin de son texte le propos du titre, restĂ© longtemps aporĂ©tique dans son Ćuvre on Ă©choue toujours Ă parler de ce quâon aime ». De cette conversion de lâĂ©criture, la raison tient sĂ»rement Ă ce que depuis la disparition de sa mĂšre en 1977, lâambition de parler de ceux quâon aime semble prendre le pas chez Barthes sur celle de parler Ă qui lâon aime et pour ĂȘtre aimĂ©[42]. Point de bascule fantasmĂ© de cette Vita nova Ă laquelle il rĂ©flĂ©chit alors, le passage de lâamour eros Ă lâamour agape discutĂ© dans le cours sur le Roman pourrait alors suspendre en quelque sorte la question de lâadresse amoureuse si insistante jusquâen 1977[43]. Topiques barthĂ©siennesEn Ă©voquant ces dĂ©libĂ©rations formelles et lâhorizon romanesque bien connu quâelles se donnent dans les derniĂšres annĂ©es de lâĆuvre de Barthes, je ne voudrais pas donner Ă penser quâici sâarrĂȘte la rhĂ©torique affective qui mâoccupe. Si la rhĂ©torique est la dimension amoureuse de lâĂ©criture », ce nâest pas seulement parce quâelle met en dĂ©bat les techniques de la communication affective, câest aussi parce quâelle les expĂ©rimente et les surveille au fil des essais. En rĂ©alitĂ© dĂšs les dĂ©buts de son Ćuvre, mais nulle part aussi densĂ©ment que dans son autoportrait de 1975, Barthes sâest appliquĂ© Ă dĂ©crire les implications affectives du discours de lâessai en quoi certains, comme Susan Sontag, on pu voir un prolongement du lyrisme intellectuel des essayistes de la NRF du dĂ©but du siĂšcle[44]. Que le sentiment, comme on lâa vu en amour, se rĂ©vĂšle impropre Ă ĂȘtre communiquĂ© directement, nuement, cela ne lâempĂȘche pas dâaffecter lâĂ©criture. Plus encore, on sait que lâaffect, lâhumeur, sont des termes massivement invoquĂ©s par Barthes pour saper les prĂ©tentions objectivistes de la science. Pour le dire dans le vocabulaire nietzschĂ©en quâil pratique alors, le sens est fondĂ© en valeur »[45] et non en vĂ©ritĂ©. AncrĂ©es dans les pulsions humorales du sujet, ces valeurs, dont le Roland Barthes par Roland Barthes rĂ©pertorie la sĂ©rie des Jâaime/je nâaime pas, font figures de dispositions affectives durables ; elles rĂ©gulent les interprĂ©tations et les postulations du discours intellectuel. En dĂ©crivant lâĂ©criture essayistique comme le lieu et le produit dâune conversion de la valeur en thĂ©orie », de mĂȘme quâil revendiquera plus tard, dans La Chambre claire, la gĂ©nĂ©ralisation de ses humeurs[46], Barthes implique ce faisant la thĂ©orie elle-mĂȘme dans un mouvement de communication affective. OriginĂ©e en valeur ce qui ne veut pas dire quâelle en soit moins fondĂ©e, la thĂ©orie devient un objet intellectuel, et cet objet est pris dans une plus grande circulation il rencontre un autre imaginaire du lecteur[47]. Bien quâil nâĂ©chappe nullement Ă lâimaginaire et encoure la menace de voir ses produits se dĂ©grader bientĂŽt en stĂ©rĂ©otypes, le geste de thĂ©orisation permet donc de traduire lâaffect dans le discours de lâessai et de lâextraire, ce faisant, de son berceau individuel. Tout Ă la fois discursive, Ă©thique et fiduciaire, la conversion en question pourvoie lâaffect dâune forme gĂ©nĂ©rale, communicable, qui autorise son partage au sein de lâĂ©conomie anonyme de la pensĂ©e. Cette conversion, au reste, nâest pas sans Ă©voquer la maniĂšre dont Barthes dĂ©finira lâĂ©criture dans son article sur Stendhal une puissance, fruit probable dâune longue initiation, qui dĂ©fait lâimmobilitĂ© stĂ©rile de lâimaginaire amoureux et donne Ă son aventure une gĂ©nĂ©ralitĂ© symbolique »[48]. Quâelle soit symbolique ou thĂ©orique, quâelle sâinaugure dans un amour rĂ©fĂ©rentiel ou dans une humeur intellectuelle, la gĂ©nĂ©ralisation relĂšve bien dâune technique dâextraversion et de communication communiquer un affect, câest le rendre commun, public, publiable. On sait que Barthes nâa eu de cesse de surveiller cette conversion thĂ©orique des valeurs, tant il est vrai que celle-ci, selon les mots de La Chambre claire, menace de rĂ©duire voire dâĂ©craser le scripteur et son public sous le poids de la gĂ©nĂ©ralitĂ©. Ă cet Ă©gard, la rhĂ©torique lui a offert un ensemble de protocoles, de notions, mais aussi de procĂ©dĂ©s repoussoirs. Parmi de nombreux exemples quâil faudrait relever et surtout classer, je me contenterai pour finir dâĂ©voquer le cas emblĂ©matique de la topique, notion qui fait lâobjet dâusages frĂ©quents sous la plume de Barthes, ce tout particuliĂšrement depuis son ouvrage de 1975. Dans le fragment Les amis », la topique se trouve ainsi invoquĂ©e pour dĂ©crire lâ espace des affects cultivĂ©s » que constitue pour lui le rĂ©seau amical Il faut sâefforcer de parler de lâamitiĂ© comme dâune pure topique cela me dĂ©gage du champ de lâaffectivitĂ© â qui ne pourrait-ĂȘtre dite sans gĂȘne, puisquâelle est de lâordre de lâimaginaire ou plutĂŽt je reconnais Ă ma gĂȘne que lâimaginaire est tout proche je brĂ»le[49]. Par sa dimension abstraite et spatiale qui en fait ici un parasynonyme de structure, la topique permet ainsi de dire thĂ©oriquement ou rhĂ©toriquement une amitiĂ© dont la dimension affective et Ă©rotique interdit la formulation directe. Lâaffect nâest pas absent, câest mĂȘme de lui quâon parle, et sa proximitĂ© est sensible en tĂ©moigne la syllepse je brĂ»le, mais il est tenu Ă distance, abstrait, et par lĂ mĂȘme rendu dicible. Si le traitement de la topique est, dans ces lignes, largement sous-dĂ©terminĂ© et mĂ©taphorique, Barthes a souvent mobilisĂ© le terme en rĂ©fĂ©rence Ă la discipline ancienne, rĂ©fĂ©rence explicite, Ă dĂ©faut bien sĂ»r dâĂȘtre â ni de se prĂ©tendre â fidĂšle. Dans la seconde partie de son Aide-mĂ©moire » sur lâancienne rhĂ©torique, il sâĂ©tait appliquĂ© Ă synchrĂ©tiser diffĂ©rents Ă©tats du systĂšme au point quâon a pu dĂ©noncer en lui un Viollet-le-Duc de la rhĂ©torique[50]. Ă cette occasion, Barthes insistait sur deux valeurs concurrentes de la topique dans la tradition participant de la technique de lâinvention, la notion avait en effet pu tour-Ă -tour dĂ©signer une grille de formes vides » et une rĂ©serve de formes remplies »[51] autrement dit, elle prenait dâun cĂŽtĂ© notamment chez Aristote lâaspect dâune sĂ©rie de procĂ©dĂ©s, de bĂ©quilles favorisant la production des arguments, tandis quâelle se dĂ©gradait, de lâautre, en un rĂ©servoir de stĂ©rĂ©otypes, dâarguments tout prĂ©parĂ©s, de lieux incontournables du discours. InvoquĂ©e dans les Fragments dâun discours amoureux et dans les deux premiers cours au CollĂšge de France, la topique y est dâabord rĂ©investie comme une technique dâinvention. On lit Ă ce titre, dans les notes du cours sur le Neutre de 1977-1978 Pour prĂ©parer ce cours jâai promenĂ© » le mot Neutre », en tant quâil a pour rĂ©fĂ©rent, en moi, un affect obstinĂ© [âŠ] le long dâun certain nombre de lectures = la mĂ©thode de la topique grille Ă la surface de laquelle on balade un sujet »[52]. Soumettant lâaffect obstinĂ© du neutre Ă une forme de conversion thĂ©orique, la topique ne sâen tiendra pourtant pas au cadre de lâinvention, elle rendra Ă©galement compte de la mĂ©thode dâexposition fragmentaire par lĂ , il semble bien que Barthes fasse jouer la rhĂ©torique contre elle-mĂȘme, il sâen rĂ©approprie les mĂ©thodes pour en neutraliser les nuisances Ă la dispositio classique orchestrant la grande coulĂ©e dissertative, ce flumen orationis quâil dĂ©plore dans le discours de la science, il oppose alors lâordre discontinu, fragmentaire, quâil trouve dans la topique, maniĂšre pour lui de laisser son discours en plan. Dans les Fragments dâun discours amoureux, on pourrait mĂȘme dire que la topique, au centre de lâavant-propos Comment est fait ce livre », contamine jusquâaux derniĂšres parties de la rhĂ©torique si Barthes prĂ©cise que les figures composant sa topique amoureuse ne doivent pas sâentendre au sens rhĂ©torique dâornement, ce nâest pas tant pour leur ĂŽter cette rĂ©fĂ©rence Ă lâelocutio quâelles conserveront tout de mĂȘme en tant que fragments discursifs, bribes de discours, phrases amoureuses ; mais câest davantage pour leur ajouter une valeur rhĂ©torique supplĂ©mentaire car en tant que gestes, schema, mettant en scĂšne lâamoureux au travail »[53], les figures relĂšvent explicitement dâun art de lâactio, de la performance du discours[54]. Enfin, jouant sur les deux valeurs de la topique quâil distinguait dans son Aide-mĂ©moire », Barthes fait de cette catĂ©gorie une maniĂšre dâouvrir son texte au public, rappelant le propos de Montaigne dans ses Essais laissant Ă un suffisant lecteur le soin de remplir les vides de son discours ou dâen poursuivre les amorces Câest comme sâil y avait une Topique amoureuse, dont la figure fĂ»t un lieu topos. Or, le propre dâune Topique, câest dâĂȘtre un peu vide une Topique est par statut Ă moitiĂ© codĂ©e, Ă moitiĂ© projective ou projective parce que codĂ©e. Ce quâon a pu dire de lâattente, de lâangoisse, du souvenir, nâest jamais quâun supplĂ©ment modeste, offert au lecteur pour quâil sâen saisisse, y ajoute, en retranche et le passe Ă dâautres autour de la figure, les joueurs font courir le furet ; parfois, par une derniĂšre parenthĂšse, on retient lâanneau une seconde encore avant de le transmettre. Le livre, idĂ©alement, serait une coopĂ©rative Aux Lecteurs â aux Amoureux â RĂ©unis. »[55] Parce que le portrait structural » du livre donne voix Ă lâamoureux privĂ©, on sait que les figures en jeu assumeront leur part dâimaginaire, de stĂ©rĂ©otype, et se situeront en retrait de lâintertexte thĂ©orique contemporain. Vis-Ă -vis de ce dernier, le sujet mĂȘme du livre lâamour et son vocabulaire sentimental, romantique sont dâailleurs assumĂ©s par Barthes comme des actes de sĂ©cession[56]. Ce qui me semble important de souligner ici, câest surtout la mise en continuitĂ© quâun tel dispositif rĂ©tablit entre, dâune part, la communication ordinaire des affects, celle des amoureux, des lecteurs, des amis qui rappellent leur prĂ©sence dans les marges du livre et, dâautre part, cette communication de luxe quâemblĂ©matisait lâĂ©criture dans les Essais critiques. Si elle apparaissait bien comme une voie efficace offerte Ă la communication affective, la conversion thĂ©orique de la valeur dĂ©crite dans le Roland Barthes par Roland Barthes pouvait sembler un privilĂšge, sinon une distinction dâintellectuel[57]. Il me semble que la spĂ©cificitĂ© des Fragments dâun discours amoureux tient prĂ©cisĂ©ment Ă ce que le mouvement de gĂ©nĂ©ralisation sây montre Ă lâĆuvre tant chez lâhomme privĂ© que chez lâĂ©crivain lâun troquant sa culture contre lâinnocence et lâimaginaire de lâautre. DĂšs lors, peu importent les stĂ©rĂ©otypes quâelle charrie pourvu quâelle soit au travail, cette conversion thĂ©orique, cette gĂ©nĂ©ralisation, se reconnait transversale, partout active, Ă la maniĂšre de la pensĂ©e sauvage observĂ©e par LĂ©vi-Strauss. Et ce qui, alors, empĂȘche rĂ©ciproquement le discours intellectuel de verser dans lâindiffĂ©rence et le surplomb de la science, câest quâĂ©tant dans le mĂȘme temps celui dâun amoureux privĂ©, il demeure souterrainement adressĂ©, et se reconnaĂźt comme un exercice de rhĂ©torique amoureuse Lâatopie de lâamour, le propre qui le fait Ă©chapper Ă toutes les dissertations, ce serait quâen derniĂšre instance il nâest possible dâen parler que selon une stricte dĂ©termination allocutoire ; quâil soit philosophique, gnomique, lyrique ou romanesque, il y a toujours, dans le discours sur lâamour, une personne Ă qui lâon sâadresse, cette personne passĂąt-elle Ă lâĂ©tat de fantĂŽme ou de crĂ©ature Ă venir. Personne nâa envie de parler dâamour si ce nâest pour quelquâun[58]. ConclusionEn 1970, dans la petite prĂ©sentation de son Aide-mĂ©moire » qui, cinq ans plus tard, livre la retranscription du sĂ©minaire de lâEPHE, Barthes ramĂšne la rhĂ©torique Ă un objet dâhistoire, Ă une technique datĂ©e, irrĂ©cupĂ©rable comme telle. Ce nâest pourtant pas dans un simple souci dâĂ©rudition quâil affirme sâĂȘtre penchĂ© sur la discipline ancienne, mais dans la perspective conjointe dâinterroger un prĂ©sent oĂč celle-ci subsiste Ă lâĂ©tat ruiniforme. Ă lâorigine â ou Ă lâhorizon â de ce sĂ©minaire, comme toujours, il y avait le texte moderne, câest-Ă -dire le texte qui nâexiste pas encore. Une voie dâapproche de ce texte nouveau est de savoir Ă partir de quoi et contre quoi il se cherche [âŠ]. DâoĂč lâidĂ©e dâun sĂ©minaire sur lâancienne RhĂ©torique ancien ne veut pas dire quâil y ait aujourdâhui une nouvelle RhĂ©torique ; ancienne RhĂ©torique sâoppose plutĂŽt Ă ce nouveau qui nâest peut-ĂȘtre pas encore accompli le monde est incroyablement plein dâancienne RhĂ©torique[59]. Si lâon se rappelle que le sĂ©minaire en question avait Ă©tĂ© prĂ©parĂ© dans lâimmĂ©diate foulĂ©e de la prĂ©face aux Essais critiques, et quâil sâĂ©tait poursuivi, lâannĂ©e suivante, par une exploration des avatars modernes de la rhĂ©torique, on mesure que la dimension actuelle prĂȘtĂ©e aux recherches de lâ Aide-mĂ©moire » nâaura pas Ă©tĂ© un vain mot. Plus encore, Ă©noncer que le texte moderne nâexiste pas encore, et quâil se cherche Ă partir de et contre la rhĂ©torique, câest aussi admettre quâen attendant, il lui faut bien composer avec elle. Il se dessine alors chez Barthes, Ă la maniĂšre de la morale chez Descartes, le programme dâune rhĂ©torique provisoire, par provision pour se prĂ©munir du lyrisme, de lâimaginaire inspirĂ© de la crĂ©ation, et Ă dĂ©faut de pouvoir incarner le Texte dans des pratiques tangibles, Barthes puise, faute de mieux, Ă lâimaginaire technique de lâancienne discipline. De ce point de vue, lâauteur compte sans conteste parmi les Ă©crivains comme Baudelaire, Paulhan, ValĂ©ry, dont lui-mĂȘme soulignait quâils avaient prĂȘtĂ© Ă la rhĂ©torique des interprĂ©tations personnelles » et des contenus originaux »[60]. De la communication affective des Essais critiques jusquâaux rĂ©investissements de la topique dans les Fragments dâun discours amoureux et dans les cours du CollĂšge de France, la rhĂ©torique Ă laquelle rĂ©flĂ©chit Barthes excĂšde ainsi trĂšs largement la forme restreinte » dĂ©crite par Genette dans son cĂ©lĂšbre article de 1970[61] câest une rhĂ©torique faite pour tous ceux qui parlent et Ă©crivent, une rhĂ©torique qui, accordant une place centrale Ă lâinvention et Ă la disposition, se conçoit comme une technique de lâinformation exacte », comme un art raisonnĂ© de la communication affective. Cette rhĂ©torique participe sans doute, chez Barthes, dâun certain Plaisir aux classiques », et lâon pourrait dâailleurs trouver dans lâarticle de 1944 certains linĂ©aments de la prĂ©face aux Essais critiques. Reste que la rhĂ©torique barthĂ©sienne mais on le verrait dĂšs lâarticle de jeunesse est bien une affaire de moderne rhĂ©torique particuliĂšre et non plus gĂ©nĂ©rale, nĂ©gociant la communication des affects dans le discours de lâessai, et justifiant la rĂ©flexivitĂ© et lâindirect de lâĂ©criture au titre dâune communication de luxe quâelle sait ĂȘtre aussi lâaffaire de chacun. Plan Introduction 1 Ecrire, verbe indirect littĂ©raritĂ©, rhĂ©torique, parole quotidienne 2 Anti-lyrisme thĂ©orique et dĂ©libĂ©rations formelles 3 Topiques barthĂ©siennes Conclusion RĂ©sumĂ© Barthes a jouĂ© un rĂŽle majeur dans les diffĂ©rents retours quâa connus la rhĂ©torique au XXe siĂšcle notamment pour en avoir synthĂ©tisĂ© lâhistoire et le systĂšme au cours dâun sĂ©minaire de 1964-1965 Ă lâEPHE, dont la retranscription en 1970 dans la revue Communications a fait date ; mais aussi parce quâil a mobilisĂ© certaines catĂ©gories de la discipline ancienne dans une perspective sĂ©miologique, puis post-structurale. Câest plus particuliĂšrement la rhĂ©torique du Barthes Ă©crivain, poĂ©ticien du discours intellectuel, qui fait lâobjet du prĂ©sent travail. Ce dernier suit le fil dâune rĂ©flexion qui trouve dans la prĂ©face des Essais critiques, sinon une origine, du moins une formulation remarquable. Conçue comme une technique que lâĂ©crivain et lâhomme ordinaire ont en partage, la rhĂ©torique prend alors lâaspect dâune dĂ©libĂ©ration formelle, largement aporĂ©tique portant sur les voies indirectes de la communication affective dans le discours de l'essai, ayant Ă faire face Ă lâinterdit thĂ©orique portĂ© sur le lyrisme, cette dĂ©libĂ©ration donne lieu Ă une sĂ©rie de dispositifs prĂ©caires, dont un des plus emblĂ©matiques me semble reprĂ©sentĂ© par les usages de la notion de topique. Notes [1]Maurice Blanchot, LâEntretien infini, Paris, Gallimard, 1969, p. 600. [2]Roland Barthes, Le DegrĂ© zĂ©ro de lâĂ©criture [1953], Ćuvres complĂštes dĂ©sormais OC, Paris, Seuil, 2002, tome I, p. 183. [3]Id. [4]Cf. S/Z [1970], OC, III, p. 240. [5] LittĂ©rature et signification », Essais critiques [1964], OC, II, p. 525. [6] Inexprimable amour », Fragments dâun discours amoureux [1977], OC, V, p. 132. [7]Titre du texte inachevĂ© consacrĂ© Ă Stendhal, auquel Barthes travaillait avant son accident de fĂ©vrier 1980, en vue dâun colloque Stendhal » Ă Milan, publiĂ© dans le n. 85 de Tel Quel, automne 1980, et repris dans OC, V, p. 906-914. [8]Essais critiques, OC, II, p. 278. [9]Expression marquĂ©e par lâempreinte de Blanchot, cf. Le poĂšte et la double infidĂ©litĂ© », LâEspace littĂ©raire, Paris, Gallimard, 1955, p. 287. [10]Essais critiques, OC, II, p. 274. [11]Suivant lâexpression de Barthes dans lâ Avant-propos 1971 » des Essais critiques, cf. OC, II, p. 272. [12]Voir notamment les premiĂšres pages de LâEspace littĂ©raire, oĂč Maurice Blanchot dĂ©crit le rapport dâĂ©trangetĂ© que lâĂ©crivain entretient Ă lâĂ©gard de son Ćuvre LâĂ©crivain ne peut pas sĂ©journer auprĂšs de lâĆuvre il ne peut que lâĂ©crire, il peut, lorsquâelle est Ă©crite, seulement en discerner lâapproche dans lâabrupt Noli me legere qui lâĂ©loigne de lui-mĂȘme [âŠ] », LâEspace littĂ©raire, op. cit., p. 14. [13]Celui-ci a en effet publiĂ© Signes trois ans plus tĂŽt, ouvrage dont le premier chapitre, significativement intitulĂ© Le langage indirect et les voix du silence », commente la thĂ©orie saussurienne tout en marquant ses distances Ă lâĂ©gard du formalisme moderne, cf. Signes, Paris, Gallimard, 1960, p. 96. [14]Essais critiques, OC, II, p. 275-276. [15]Notons que lâemploi du concept de littĂ©raritĂ© se fait ici en passant, sans que rĂ©fĂ©rence prĂ©cise soit faite Ă sa thĂ©orie. Dans un texte de 1925 repris en 1965 dans lâanthologie des formalistes russes Ă©ditĂ©e par Tzvetan Todorov, Eikhenbaum rappelait justement que la littĂ©raritĂ© avait Ă©tĂ© conçue par distinction dâavec la langue quotidienne et sa visĂ©e communicationnelle. Cf. La thĂ©orie de la mĂ©thode formelle », ThĂ©orie de la littĂ©rature, Paris, Seuil, 1965, p. 38-39. [16]Essais critiques, OC, II, p. 276. [17]Ibid., p. 279. [18]Maurice Merleau-Ponty, Signes, op. cit., p. 56. [19]Notion introduite par Deleuze et Guattari dans Quâest-ce que la philosophie ?, Paris, Ăditions de minuit, 1991, p. 60 sq. [20]Essais critiques, OC, II, p. 277. [21]Ainsi de la dĂ©dicace de S/Z aux sĂ©minaristes de lâEPHE, oĂč lâauteur affirme que le livre sâest Ă©crit selon leur Ă©coute ». [22]Id. [23]Ibid., p. 278. [24]Quintilien, Institution oratoire, tome 2, Paris, Les Belles lettres, 1976, II, 15, p. 85. [25]Suivant la thĂšse dĂ©fendue par Antoine Compagnon dans Roland Barthes en Saint Polycarpe », Les Antimodernes. De Joseph de Maistre Ă Roland Barthes, Paris, Gallimard, 2005, p. 404-440. [26]Cf. Jean Paulhan, Les Fleurs de Tarbes ou la Terreur dans les lettres, Paris, Gallimard, 1941. [27]Le recueil de Ponge est citĂ© par Barthes dans Lâancienne rhĂ©torique, aide mĂ©moire », Communications, n. 16, Seuil, 1970, repris dans OC, III, p. 587. [28]Francis Ponge, RhĂ©torique », ProĂȘmes 1948, in Ćuvres complĂštes, Paris, Gallimard, 1999, BibliothĂšque de la PlĂ©iade », tome I, p. 192-193. [29]Essais critiques, OC, II, p. 277. [30]Cf. Une langue littĂ©raire ? », La Langue littĂ©raire une histoire de la prose en France de Gustave Flaubert Ă Claude Simon, Paris, Fayard, 2009, p. 7 56. [31]On trouve une analyse de cette lettre dâun jeune ami marocain dans un rĂ©cent article dâĂric Marty Roland Barthes au Maroc », in Roland Barthes au Maroc, collectif prĂ©sentĂ© par Ridha BoulaĂąbi, Claude Coste et Mohamed Lehdahda, MeknĂšs, Editions de lâUniversitĂ© Moulay IsmaĂŻl, p. 54-57. [32] Lettre de Jilali », Roland Barthes par Roland Barthes [1975], OC, IV, p. 688. [33] MĂ©duse », Roland Barthes par Roland Barthes, OC, IV, p. 698. [34]Roland Barthes par Roland Barthes, OC, IV, p. 662. [35]Roland Barthes par Roland Barthes, OC, IV, p. 664. [36]Cf. Inexprimable amour », Fragments dâun discours amoureux, OC, II, p. 131. [37]Roland Barthes par Roland Barthes, OC, IV, p. 664. [38]Id. [39] Je suis fou », Fragments dâun discours amoureux, OC, V, p. 156. [40] Inexprimable amour », Fragments dâun discours amoureux, OC, V, p. 130.[41] On Ă©choue toujours Ă parler de ce quâon aime », OC, V, p. 913. [42]Quand bien mĂȘme le Journal de deuil mĂ©dite sur la persistance dâun dĂ©sir de reconnaissance par lâĂ©criture. Cf. Journal de deuil 26 octobre 1977-15 septembre 1979, Paris, Seuil IMEC, 2009, p. 144. [43]Alors que lâĂ©pistolaire pouvait valoir depuis les Essais critiques comme une sorte de vecteur sous-jacent de lâĂ©criture de Barthes, La Chambre claire semble bel et bien rompre avec ce modĂšle. [44]Cf. Susan Sontag, LâĂcriture mĂȘme Ă propos de Barthes, Paris, C. Bourgois, 1982, p 12. [45] Ă quoi sert lâutopie », Roland Barthes par Roland Barthes, OC, IV, p. 655. [46]La Chambre claire [1980], OC, V, p. 801. [47] Conversion de la valeur en thĂ©orie », Roland Barthes par Roland Barthes, OC, IV, p. 750. [48] On Ă©choue toujours Ă parler de ce quâon aime », OC, V, p. 914. [49]Roland Barthes par Roland Barthes, OC, IV, p. 644. [50]Cf. Christelle Reggiani, LâĂ©loquence du roman rhĂ©torique, littĂ©rature et politique aux XIXe et XXe siĂšcles, GenĂšve, Droz, 2008, p. 55. [51] Lâancienne rhĂ©torique. Aide-mĂ©moire », OC, III, p. 576. [52]Le neutre notes de cours au CollĂšge de France, 1977-1978, Paris, Seuil IMEC, 2002, p. 33. [53]Fragments dâun discours amoureux, OC, V, p. 29. [54]Cette partie de la rhĂ©torique avait justement Ă©tĂ© laissĂ©e de cĂŽtĂ© dans lâ Aide-mĂ©moire » au titre de sa dimension théùtrale et hystĂ©rique » ainsi pourrait-on dire quâen 1977, lorsquâil dĂ©signe lui-mĂȘme son amoureux comme un orateur dont il entend mettre au jour la geste, cette lacune est indirectement comblĂ©e. [55]Ibid. [56]Voir sur ce point Ăric Marty, Roland Barthes, le mĂ©tier dâĂ©crire, Paris, Seuil, 2006, p. 221-224. [57]Dâun tel rĂ©gime de distinction, lâespace des affects cultivĂ©s » tout Ă la fois entretenus et pĂ©tris de culture Ă©voquĂ© dans le fragment Les amis » serait emblĂ©matique. Cf. OC, IV, p. 643. [58] Lâentretien », Fragments dâun discours amoureux, OC, V, p. 104. [59] Lâancienne rhĂ©torique. Aide-mĂ©moire », OC, III, p. 527. [60]Ibid., p. 558. [61]Gerard Genette, La rhĂ©torique restreinte », Communications, n. 16, Seuil, 1970, p. 158-171. Auteur Ancien Ă©lĂšve de lâENS de Lyon, agrĂ©gĂ© de Lettres modernes, Adrien Chassain est doctorant contractuel Ă lâuniversitĂ© de Paris 8 et membre de lâĂ©quipe dâaccueil LittĂ©rature, histoire, esthĂ©tique ». Il prĂ©pare actuellement, sous la direction de Bruno ClĂ©ment, une thĂšse consacrĂ©e aux usages de la rhĂ©torique dans les essais de G. Perec et de R. Barthes. Pour citer cet article Adrien Chassain, âLa rhĂ©torique est la dimension amoureuse de lâĂ©critureâ communication ordinaire et conversion thĂ©orique des affects chez Roland Barthes », Revue Roland Barthes, nÂș 1, juin 2014 [en ligne]. URL [Site consultĂ© le DATE].
2Voir le fragment intitulĂ© « Jâaime, je nâaime pas » (ibid. : 120). JOUVE, Vincent â La thĂ©orie comme art: rĂ©flexion et mĂ©taphore chez Roland Barthes Carnets : revue Ă©lectronique dâĂ©tudes françaises.
Grandefigure de la sĂ©miologie et du structuralisme français des annĂ©es 1950 Ă 1970, attachĂ© aux avant-gardes littĂ©raires de son temps comme aux classiques, Roland Barthes concilia l'approche savante et le plaisir esthĂ©tique. Son rayonnement reste considĂ©rable sur la critique et les pratiques littĂ©raires contemporaines. RolandBarthes, "J'aime, je n'aime pas". Lis. le . texte. de Roland Barthes. Avec ton surligneur, surligne tous les mots que tu connais. JJ''AAIIMME. E. JJEE NN''AAIIMMEE PPAAS. S. Avec tes . ciseaux, dĂ©coupe les Ă©tiquettes. Avec ta . colle. colle-les en fonction des goĂ»ts de Roland Barthes. Roland Barthes aime . Roland Barthes n'aime pas. AncrĂ©esdans les pulsions humorales du sujet, ces valeurs, dont le Roland Barthes par Roland Barthes rĂ©pertorie la sĂ©rie des Jâaime/je nâaime pas, font figures de dispositions affectives durables ; elles rĂ©gulent les interprĂ©tations et lesRolandBarthes; Citations cĂ©lĂšbres de Roland Barthes (n°131853) « J'aime, je n'aime pas : cela n'a aucune importance pour personne; cela apparemment n'a pas de sens. Et pourtant, tout cela veut dire : mon corps n'est pas le mĂȘme que le vĂŽtre. » Roland Barthes Autres citations cĂ©lĂšbres sur « aime » et « corps »
LectureLecture par Roland Barthes du fragment "J'aime, je n'aime pas" de Roland Barthes par Roland Barthes Entretien "Lieux et itinéraires". Entretien avec Jean-Marie Benoist et Bernard-Henri Lévy, France Culture, 9 décembre 1977. Entretien "Le pouvoir". Entretien avec Jean-Marie Benoist et Bernard-Henri Lévy, France Culture, 8 décembre 1977.
Citationsde Roland Barthes. â Ce que cache mon langage, mon corps le dit. Mon corps est un enfant entĂȘtĂ©, mon langage est un adulte trĂšs civilisĂ© . â. Ma note : Note moyenne : 5/5. â J' aime, je n' aime pas : cela n'a aucune importance pour personne ; cela apparemment n'a pas de sens. Et pourtant, tout cela veut dire : mon corps n
RolandBarthes J Aime Je N Aime Pas J'aime, Je N'aime Pas - Blog De Français De La Seconde 3 - Atelier D'écriture N°14 / J'aime J'aime Pas Amélie Poulain. Video Gratuit Grosse Femme Mur Cougar; Jacques Reynes; Cliquez ici pour lécouter (il faut cliquer sur la petite voiture puis sur le visage de roland barthes pour entendre sa voix). 2) foutaises .